31 mars 2006

Le CPE et les photojournalistes







Dans l'édition du 26.03.06 du Monde, un article de Sylvie Kerviel sur l'agression d'un photographe, Georges Merillon, à l'issue de la manifestation aux invalides le jeudi 23 mars.
Agression perpétrée par un jeune.
La journaliste rapporte le constat fait par les photographes de presse du changement d'attitude à leur égard, concomitant au changement sociologique visible du public des manifestations.
Alors?
Les casseurs ne sont pas des manifestants? Ce ne sont pas des jeunes comme les autres? Ils n'expriment aucune révolte? S'en prendre à une vitrine, un lycéen, un journaliste, une voiture, ne signifie rien?C'est plus rassurant un jeune étiqueté anarchiste qui attaque la police?

Pour ma part, je ne m'étonne pas de cette évolution.
Souvent placés entre la police et les manifestants, à attendre le dérapage et l'image spectaculaire, la majorité des preneurs d'images sont au contact de la violence.
La presse est présente pour informer. La présence de la presse permet toujours de dénoncer les dérapages policiers et peut-être de les prévenir. La présence de la presse assure souvent la publicité et peut-être encourage le passage à l'acte violent d'une partie des manifestants.
A voir mes confrères à Paris ce 21 mars lors de la fin de manif près de la Sorbonne, je croyais voir des images du reportage de Patrick Chauvel sur les photojournalistes de guerre et des images faites dans la bande de Gaza.
Gaz lacrymo, coups des casseurs, certains photographes se préparent visiblement au pire.
Le pire finit par arriver.
A quel point influençons nous l'information que nous sommes censés observer et transmettre?
Ce jeune qui tape sur Georges Merillon, reporter aguerri, que dit-il?
Laisse moi délinquer sans publicité?
Mort à la presse bourgeoise?
Journalistes-Police, complices!

Le fait est que la police aussi filme et photographie les manifestants, pour de futures identifications et que partout circule l'idée de l'enrichissement de certains photographes sur le dos de ceux qu'ils photographient.
Le fait est qu'il n'est pas toujours aisé d'identifier qui fait quoi.

Alors?

Le 22 mars, la photo qui a retenu mon attention sur cet événement dont j'étais le témoin fut celle d'un jeune cagoulé lançant une balustrade métallique sur une barrière de police bloquant le boulevard Saint-Michel. Seul. Etrangement.
Une photo dans un quotidien pour parler de la manif. Une photo pour résumer quatre heures de marche dans Paris, deux heures de tension entre 15 jeunes parmi 200, 15 excités parmi 200 perplexes et un peu paumés place Edmond Rostand devant les centaines de policiers interdisant l'accès des rues de Medicis, Soufflot, le bd Saint-Michel.
Il faut montrer ces violences.
Mais rappeler le contexte. Pas que dans le texte. En images aussi.
Sinon que pensera un lecteur du Maine-et-Loire de cette manif où il n'était pas?
Il aura peur, sans doute. Et après...

Taire la violence c'est désinformer.
Ne montrer que la violence c'est désinformer.

Y'a du pain sur la planche les amis!

Tout mon soutien à Georges Merillon.

Olivier Touron
Photojournaliste
CP 86841
+33 603 226 708
collectif couleur d'Orange

©photos: Olivier Touron